La vie du sportif de haut niveau est faite de rebondissements. La blessure en est un qu’il faut savoir gérer, même lorsqu’on ne l’attend pas. Début janvier, une chute me fissure l’épaule et me force au repos, modifiant ainsi tout mon début d’année. Retour sur la gestion mentale et physique de cette compétition contre soi-même. 

Mais comment ?

Avec quelques pensionnaires du Team Hoka, nous passons les premiers jours de 2020 à alterner course à pied et séances à ski sur les hauteurs de Val Thorens. Alors que tous les voyants sont au vert après trois bonnes journées d’entrainement, une erreur d’inattention me ramène à la réalité lorsque mon ski heurte un bloc de glace et que mon épaule s’écrase sur le sol, à quelques mètres du parking. Au départ, je pense que ce n’est qu’un gros hématome qui va vite se résorber. Le lendemain, la douleur toujours présente me fait comprendre que c’est plus qu’un choc.

Les radios du centre médical sont sans appel : 3 fractures sur la tête d’humérus. L’opération ne semble pas nécessaire, d’autres examens de contrôle le confirmeront dans 15 jours. Je reste choqué face à l’annonce des médecins : 45 jours sans sport, je ne sais pas faire.

Renoncer au Coastal Challenge, ultra-trail prévu au Costa Rica, est vite encaissé : ce n’est pas un objectif principal de ma saison. Par contre, je m’inquiète pour mes prochaines échéances prioritaires, dont certaines comptent pour le World Tour.

J’ai l’interdiction de bouger l’épaule pendant les 10 premiers jours. Immobilisation totale. Si ces premiers temps de repos forcé ressemblent à des vacances, je comprends vite que ce handicap va être très gênant : je ne peux absolument rien faire.

Passer d’un gros volume d’entrainement quotidien à cet arrêt total est difficile à gérer.

Récupérer au mieux

Tout de suite, je m’organise pour optimiser ma récupération. Ça ne veut pas dire essayer d’aller plus vite (de toute façon je ne peux pas avancer les radios de contrôle), mais tenter de mieux récupérer. En plus de me documenter, j’utilise le joker « appel à un ami » pour piocher dans mon réseau d’une manière assez globale et recueillir des conseils pour mettre en place le programme le plus efficient possible.
Assez rapidement, une organisation assez complète prend forme : je vois mon kiné pour drainer l’oedème et mon ostéo pour libérer les zones autour de l’épaule. En plus d’utiliser des pommades en application locale et des minéraux en compléments alimentaires, j’ai recours à la phytothérapie qui permet de complémenter avec des plantes. Enfin, des cures de cryothérapie m’aident à récupérer et à mieux dormir.
Je ne sais pas si tous ces stratagèmes ont un véritable impact car je n’ai pas de moyen de comparaison. En tout cas, cela m’aide psychologiquement et dans la récupération après une blessure, le mental a une part très importante.

L’importance du Home-Trainer

Suite à ces 10 jours d’immobilisation, la radio de contrôle confirme qu’il n’y a pas besoin d’opération et que je peux monter sur le Home Trainer.

Bien sûr, certains mouvements me sont interdits : le tendon, en tirant sur l’os, risquerait d’ouvrir d’avantage la fracture. C’est donc droit comme un I et les bras en croix que je monte sur le vélo pour enfin faire tourner les jambes. Sans vouloir faire de publicité, l’application Zwift a changé toute ma rééducation en apportant un côté ludique au vélo et en me permettant de fournir un travail de qualité.

En plus de renforcer les cuisses, le Home-Trainer est un bon indicateur de mon évolution que je peux mesurer au niveau de mon amplitude sur la selle. Au fil des jours, je peux déplacer mon bras et mon corps toujours un peu plus que la veille, et ce sans douleur.

Se tester est justement l’un des risques les plus compliqués à gérer lorsque l’on est en convalescence.

L’envie d’essayer, de tirer un peu plus pour voir si la douleur est surmontable est dans les gênes du compétiteur. Ma solution face à cette envie est en premier lieu de respecter les consignes du corps médical, mais aussi de ne prendre  aucun antalgique. Sans douleur, le risque de tirer sur les tendons sans s’en rendre compte est présent. Avec la douleur non dissimulée, je sais très vite quand il ne faut pas aller plus loin. En fait, je préfère sentir la douleur que me refaire mal.

Reprise de la marche puis de la course

Quatre semaines après mon accident, je me sens en forme et prêt à reprendre la course à pied. Mais sans radio de contrôle et feu vert médical, c’est prendre un risque inutile. Pas de running, car il faut encore éviter les secousses, mais de la randonnée. Pouvoir à nouveau profiter du beau temps et des sorties en famille m’apporte un vrai coup de boost psychologique.

Pendant deux semaines, j’alterne donc Home-Trainer et randonnées. J’utilise au départ un bâton pour m’équilibrer et réduire les risques de chute : je ne peux absolument pas prendre le risque de (re)tomber sur mon épaule.

La radio de contrôle et mon médecin m’autorisent à courir six semaines après ma chute. Sans appréhension aucune mais avec beaucoup d’envie, je saute dans mes baskets. Forcément, mes jambes sont un peu raides tandis que mon bras manque de tenue : il a perdu en muscles et je dois le relâcher régulièrement afin de le reposer.

Positif

Même si certains jours sont plus compliqués que d’autres, je réussis assez vite à dégager un aspect positif de cette situation. Déjà, cela aurait pu être bien pire s’il y avait eu besoin d’opérer. Ensuite, cela permet à mon corps de se reposer sur une longue période. C’est la première fois depuis que je cours que j’ai un mois et demi de repos. C’est finalement une chance inouïe pour mon organisme. Enfin, et pas des moindres, cela décuple ma motivation et mon envie de courir.

Au fond de moi, je suis persuadé que cette blessure aura des conséquences positives.

Maintenant que je ne suis plus gêné et que le rassemblement Hoka de Majorque est passé, je sais où j’en suis. J’ai pu voir la différence de niveau qu’il y avait avec les athlètes du team qui n’ont pas été contraint de se mettre au repos. Et même s’il y a quelques vitesses d’écart, je ne suis pas si loin. Avec encore un peu de patience, de résilience et de travail, je sais que je retrouverais ma condition.
Pour l’heure, je reste confiné à domicile comme le reste de la population. Forcément, s’entrainer s’avère plus compliqué dans ces conditions mais grâce à cette blessure, je sais d’avantage comment m’occuper et adapter ma méthode d’entrainement à la situation. Les prochaines échéances nous le diront !
Showing 2 comments
  • Olivier Siron
    Répondre

    Bravo Julien,
    Tu as ce mental, cette intelligence humaine qui te fait avancer et positiver quoi qu’il arrive.
    Tu vas vite revenir au top 1 de.tes objectifs.
    Merci à toi, bon courage.
    Prends soin de toi et ta famille durant cette période de confinement si curieuse et inconnue.
    A bientôt à l’Auberge chez Kirtap ✌

  • Jeremy Di domenico
    Répondre

    Salut Julien.
    Je viens d’apprendre sur ton blog ton expérience après la blessure de l’épaule. On s’est croisé sur le THP… J’aimerais savoir tes sensations après ces quelques semaines passées. Si je te dis que je viens de me fracturer l’épaule gauche en courant il y a maintenant 15j!! Dur dur, mais ton récit est peut-être un exemple à suivre pour la progressivité et la motivation…Bref, j’ai une échéance sur l’ultra serre ponçon, alors pourquoi pas travailler ensemble ??:-)
    J’espere que tu te portes bien et que nous pourrons collaborer.
    Bonne continuation
    Jérémy DI DOMENICO

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