Un plateau élite toujours aussi relevé, des conditions météos incertaines, un parcours mythique et un public en folie : bienvenue à l’UTMB®. Entre excitation, appréhension et frustration, récit d’une semaine à part dans le monde du Trail.
Semaine d’avant course
En observant l’émulation se dégageant de l’UTMB®, il faut croire que le slogan de « sommet mondial du trail » est bien choisi. Toute la semaine, des milliers de personnes envahissent Chamonix pour assister aux différentes courses et profiter du salon de l’Ultra-Trail. Au milieu, athlètes et marques multiplient les animations. Mes partenaires Hoka, Julbo, Compressport, Garmin et Baouw sont présents et entre conférences de presse, séances de dédicaces et interviews, les journées sont excitantes et bien remplies.
Cette agitation d’avant-course, bien que consommatrice d’énergie, est pour moi source d’émulation positive, et m’aide à rentrer dans ma course. A force d’en parler, mon esprit se prépare de plus en plus à affronter les 170km et 10 000m de D+ de ce gigantesque défi.
Une préparation minutieuse
Préparer un ultra est toujours compliqué, puisque l’on ne sait jamais de quoi sera faite la course. Quoi qu’il en soit, j’avais tout mis en place afin d’arriver prêt sur la ligne de départ de cet UTMB®, objectif principal de ma saison. Sans avoir endossé de dossard depuis juillet avec la X-Alpine de Verbier et après une préparation estivale aboutie (entre vélo et stages à Val Thorens), j’arrive en pic de forme face à ce tour du Mont-Blanc.
Le départ
Un départ de course à 18h n’est jamais très facile à gérer pour un athlète qui a toute la journée pour tourner en rond et stresser. Les notes de Vangelis se font désirer et lorsqu’enfin elles résonnent dans les rues de Chamonix, c’est une libération. Les 2300 coureurs se jettent dans cette course tant attendue.
Comme tous les ans, le départ est rapide mais pas exagéré (sauf pour Pau, qu’on ne gardera pas longtemps en visuel). Avec Tim Tollefson et Hayden Hawks, nous papotons jusqu’aux Houches tout en gardant un rythme agréable. Sans grandes sensations, je les laisse partir dans la montée du Délevret. Je transpire déjà beaucoup mais je n’ai pas soif pour autant, donc je ne bois pas. Cela me coutera cher par la suite.
Une difficile hydratation
Alors que la nuit tombe, les jambes commencent à tirer. Je suis en légère surchauffe mais je me dis que c’est normal car quelques 30km ont déjà été parcourus à un bon rythme. La machine doit simplement se mettre en route. Je ne m’affole pas et rejoins les Contamines. Lors de ce premier ravitaillement avec assistance, je prends le temps de m’hydrater correctement.
Mon corps va à peu près bien. Je rejoins Notre-Dame de la Gorge puis continue à monter en direction de la Balme, où un autre ravitaillement attend les coureurs. Lors de cet arrêt, les premiers signes de faiblesse se font sentir : je n’arrive pas à manger. Rien ne passe. Je fais quand même un effort sur l’hydratation, aussi pour rattraper le retard pris à ce niveau.
Des sensations fluctuantes
Les sensations s’améliorent dans la montée du Bonhomme même si de nombreux athlètes me dépassent. Dans la descente, j’ai l’impression de retrouver de l’énergie et du rythme. Je rattrape beaucoup de coureurs, quasiment tous ceux qui m’ont doublé dans la montée. La machine est relancée.
Arrivent ensuite les Chapieux où un nouveau ravitaillement est proposé. On en est au kilomètre 50 et j’ai la sensation d’être en forme. La confiance revient pour le reste de la course. À nouveau, je m’applique sur l’hydratation en alternant eau et boissons gazeuses, comme j’ai l’habitude de le faire. Seulement, cette fois-ci, ça ne passe pas. Très vite, je comprends que quelque chose ne va pas et que mon corps réagit mal.
Un tiers de la montée au Col de la Seigne sera géré à une allure convenable, mais très vite mon état s’empire. J’essaie de manger, mais rien n’y fait. La forme ne revient pas, je perds de l’énergie sans pour autant vraiment avancer.
Abandon et frustration
Je me force à continuer mais les sensations ne sont toujours pas au rendez-vous : je n’arrive pas à relancer sur le plat, je ne peux pas forcer en montée et je n’ai pas du tout le pied sûr en descente. C’est terriblement frustrant car je n’ai pas de blessure, rien, mais ça ne fonctionne pas. J’essaie de mieux m’alimenter, de me réhydrater mais rien ne change.
Je décide donc d’arrêter à Courmayeur. J’aurais pu finir cet UTMB®, mais je n’étais pas venu pour le faire en marchant. J’avais prévu de souffrir, comme tout le monde ici, mais pas de cette façon.
Récupération et nouveaux projets
Récupérer physiquement d’un ultra, je sais le faire. Récupérer mentalement d’un grosse déception, c’est autre chose. Je me suis donc laissé le temps de digérer cet abandon en me coupant du sport pendant le reste du mois de septembre. Technique payante car l’envie de courir et la motivation n’ont pas tardé à me rattraper. La passion de l’ultra l’emportant, j’ai décidé de me lancer un dernier gros défi avant la fin de l’année. Reprise donc de la préparation afin de clôturer la saison avec un autre UTMB, celui d’Oman. Le rendez-vous est pris !
Hello Julien
Viens de lire ton récit. Vraiment dommage pour l’UTMB, celà montre bien la part d’incertitude sur un ultra, même en prenant le départ avec confiance après avoir fait le nécessaire lors de la prépa.
De tout coeur avec toi sur Oman, pour prendre cette revanche sur le sort, et nous montrer le grand champion que tu es.
Amitiés
Xavier M.
Merci Xavier 🙂
Le recul sur ton abandon a été judicieux. L’analyse pertinente aussi. Place au renouveau avec une fin de saison royale 👍
Merci Steph, le plus important est la passion qui reste intacte 🙂
Félicitations JULIEN, 80 kms ce n’est pas rien. A mon petit niveau je l’ai terminé avec le mental en 44 h 55. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir et je reviendrai en 2021, en courant de nouveau pour une association » LE RIRE MEDECIN ». Maintenant que je sais à quoi m’attendre, j’appréhenderai moins la course et me préserverai moins physiquement.
Bravo Jeff pour avoir vaincu cet UTMB. Je serais peut être également au départ en 2021, qui sait 😉 Top de courir en soutien à cette belle association qu’est « le rire médecin »
Bon Courage, Julien. Visiblement, une petite déshydratation au départ, irréversible à récupérer au rythme ou vous courrez. J’espère un jour te recroiser au fin fond de l’Ardèche (sur un vélo) ou sur un sentier (pour moi fini les grands ultras). Tu restes celui qui a vaincu par 2 fois la diagonale avec un état de fraicheur éclatant. Malheureusement, avec l’âge les machines sont parfois plus promptes à se dérégler. Et pour l’abandon, ce n’est pas grave. C’est une décision entre toi et toi, même si tu as un sponsors avec toi. Bonne continuation.
Merci Christophe et avec plaisir pour une balade en Ardèche 🙂
Je comprends facilement ta frustration. Mais tu as déjà fait tes preuves sur diverses courses autour du monde, tu n’as plus rien à prouver, tu es un grand champion ! Et la preuve, c’est que tu ne peux pas te passer de courir, et tu remets vite la machine en route… Bravo mec !
Je te l’ai déjà proposé , ici dans le Limousin il y a ce qu’il faut pour t’accueillir, n’hésite pas si tu le souhaite, la porte est grande ouverte… à bientôt et bonne prépa…
Merci 🙂
Je suis presque sûr que vous avez déjà essayé, mais avez-vous essayé de prendre des mets salés comme alternative au bonbons » ou gels habituel? Il est bien documenté que le corps rejette (parfois violemment, parfois juste la nausée) les sucres après une certaine période d’effort. Je suis passé à la barre des 35k sur le SaintéLyon, relativement court, et cela a fonctionné à merveille. D’autres coureurs étaient malades …
Merci pour ce retour. J’ai en effet fait le même choix que vous avec des apports peux sucrés prévus jusqu’à mi-course. Ca avait très bien fonctionné à Verbier. Ici, je pense que la problématique est plus liée à une légère déshydratation…
Réussir un ultra dépend de tellement de paramètres. Là c’est l’alimentation/l’hydratation qui à priori n’a pas été. Bonne chance et réussite pour les prochains objectifs ! Merci bcp pour cet article, ces confidences, le partage de cette expérience.
Merci Dam 🙂 Tu as la forme ?
Salut Julien même un champion apprend encore et encore jour après jour D’où l’intérêt du sport ,et bien sur nous fais progresser. Tu m’as rassuré car j’ai commis la même erreur sur la Mascareignes cette année.
Merci Julien pour ce récit plein de lucidité et d’humilité. Tu soulignes bien qu’il faut penser dès le départ à entretenir la machine, et ne pas se laisser emporter par l’ambiance. Je te souhaite une bonne saison 2020 !